| du numéro 199 - 23 octobre
2001
Biocarburants Controverse
européenne sur les biocarburants Les
principales filières de biocarburants Pour
le fisc, l'huile de tournesol est un produit pétrolier
Controverse européenne sur les
biocarburants
Au début de l'été, les services de la
Commission européenne ont présenté un projet de plan de promotion des
biocarburants pour les 10 prochaines années. Ce plan vise à favoriser une
offre énergétique alternative aux hydrocarbures afin de réduire la
dépendance énergétique de l'Union européenne et avoir un effet
stabilisateur sur les prix des carburants et combustibles. Il
contribuerait à la protection de l'environnement en réduisant les
émissions de CO2 et participerait au développement rural par la création
d'emplois et de nouvelles sources de revenu pour les agriculteurs1. Le
plan de Bruxelles prévoit d'accroître progressivement la part des
biocarburants dans chacun des États membres pour atteindre un minimum de
2% en 2005 et 5,75% en 2010. Cet objectif devra être atteint sans aides
directes. En revanche, deux directives sont proposées : l'une permettant
aux pays membres d'appliquer, dès le 1er janvier 2002, une
fiscalité réduite (jusqu'à 50% du taux normal) aux carburants ou
combustibles contenant de biocarburants, et l'autre imposant de mélanger
des biocarburants aux carburants minéraux utilisés pour les transports (à
raison de 1% au moins en 2009, puis 1,75% en 2010). Le Bureau européen
de l'environnement (BEE), qui représente auprès de la Commission plus de
130 associations européennes de protection de l'environnement, s'est
prononcé, en septembre, contre ce plan, considérant qu'il "n'a de sens
ni économiquement, ni écologiquement". Pour le BEE, ce projet
favoriserait une agriculture intensive forte consommatrice d'énergie
fossile ; il ne contribuerait pas à une réfome de la Politique agricole
commune vers une agriculture durable ; il menacerait les effets positifs
du gel des terres sur la biodiversité, en incitant au développement de
nouvelles cultures à vocation non alimentaire. Enfin, le BEE fait
remarquer que les matières premières utilisées pour les biocarburants sont
souvent importées….
D. C.
1 une production de
biocarburants équivalent à 1% des combustibles fossiles utilisés en Europe
créerait entre 45 000 et 75 000 emplois !
Les principales filières de
biocarburants
|
Huile végetale brute |
Diester ou Ester
Méthylique |
Éthanol (alcool
éthylique) |
Biogaz |
Procédé de production |
transformation en huile de graines oléagineuses |
estérification de l'huile de colza et du méthanol |
fermentation du glucose suivi d'une distillation |
fermentation de déchets organiques |
Matière première |
Tournesol, colza |
Colza (EMC)
Tournesol (EMT) |
plantes sucrières, céréales et tubercules |
tout déchet organique |
Utilisation carburant |
pure |
pur ou comme additif (5 à 30%) |
pur ou comme additif |
équivalent GNV après épuration et compression |
Moteur |
diesel à injection directe |
diesel |
essence ou diesel modifié |
à essence modifié |
sous produits |
tourteaux |
glycérine |
|
|
Production |
artisanale |
industrielle |
industrielle |
artisanale ou industrielle |
bilan énergétique * |
3,2 à 3,5 |
1,9 |
1,2 |
4,5 |
* bilan énergétique = énergie produite sous forme de biocarburant /
énergie consommée - (source :
ADEME)
Pour le fisc, l'huile de tournesol est un
produit pétrolier
Valenergol1
est une petite société du Lot et Garonne, créée en 1996 par une vingtaine
de personnes, dans le but d'expérimenter et faire fonctionner au niveau
local une filière bio carburants à base d'huile de tournesol.
La démarche de Valenergol s'appuie sur les différents travaux réalisés
auparavant sur ce type de carburant, notamment par le Cirad (Centre de
coopération en recherche agronomique pour le développement), ou par la
chambre d'agriculture de Haute-Garonne. Dans la région Midi-Pyrénées, la
Frcuma mène également depuis 1997, sur 3 sites, une expérimentation afin
d'étudier la faisabilité de filières courtes de production et
d'utilisation d'huile carburant à base de tournesol pour des engins
agricoles. La procédé de fabrication utilisé par Valenergol demande peu
de technicité et peut être mis en œuvre avec un équipement léger. Le
tournesol, acheté à des agriculteurs locaux, est transformé par simple
pression à froid. Avec 3 kilos de graines de tournesol, achetées 1,30
F/kg, on obtient, après décantation et filtration, 1 litre d'huile
végétale brute (HVB), vendu 4 F/l comme carburant, et 2 kilos de tourteaux
utilisables en alimentation animale, fournis aux éleveurs à 1,40
F/kg. L'HVB peut-être utilisée pure ou en mélange avec le gazole par
les moteurs diesels à injection indirecte, avec un réglage des injecteurs
nécessaire au delà de 50%. Pour ses promoteurs, l'intérêt de cette
filière est évident. Elle repose d'abord sur une source d'énergie
renouvelable, qui permet à la fois de desserrer la dépendance européenne
envers les hydrocarbures, et de réduire les émissions de gaz à effets de
serre, avec un bilan énergétique d'autant plus favorable que les
techniques culturales utilisées seront respectueuses de l'environnement.
Le tournesol est une culture de région sèche, peu exigeante en intrants.
Le développement de cette filière peut ainsi contribuer au maintien de
l'emploi agricole, et à la création d'emplois en zone rurale, dans des
unités de transformation de petite taille. La production de tourteaux
permet également d'apporter une réponse locale, traçable et non OGM, aux
besoins en alimentation du bétail. C'est l'occasion de favoriser des
filières courtes, reposant sur des complémentarités locales, et réduisant
au maximum les distances de transport. L'administration fiscale est
cependant peu sensible à cette argumentation. Elle réclame en effet à
Valenergol2 une TIPP (Taxe Intérieure sur les Produits
Pétroliers) au taux le plus élevé, celui de l'essence plombée, soit 4,30
F/l. Le droit français, soutenu en cela par la réglementation européenne,
considère que le critère d'assujettissement d'un produit à la TIPP est
"son utilisation comme carburant, et non sa nature". Il y a
manifestement inégalité de traitement avec les filières industrielles de
biocarburants, contrôlées par les firmes pétrolières, qui bénéficient,
entre autres, d'une exonération partielle de la TIPP. Une des explications
réside peut-être dans le fait que la commission chargée des dérogations
applicables aux biocarburants est composée à parité de représentants des
compagnies pétrolières et de fonctionnaires des douanes…
D. C.
1 Valenergol 47480 Pont du
Casse - Tél: 05 53 95 65 58 2 Le procès a eu lieu le 20 septembre 2001 devant le
Tribunal de Police d'Agen. Jugement le 18 octobre 2001
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